* Introduction

Cette étude porte sur les deux derniers documents cités dans LVL Celtique (Magasin pittoresque , Dictionnaire de la Fable ) qui se trouvent en page 300 et 301, elles sont donc dans le chapitre VIII qui contient quatre sous-chapitres. J’ai eu l’occasion d’expliquer que deux d’entre eux concernent particulièrement Poussin ( Etude) .

→ Le sous-chapitre II ( nourriture des celtes-boissons gauloises ) explique dans un premier temps que la kaïrolo symétrique se trouve sous Montferrand, puis après avoir traduit quelques lieux relatifs au travail des bergers, il nous propose la traduction de Poussin du Sadler : chick [tchick] dont l’homonyme anglais est cheek qui signifie « joue ».

→ Dans le sous-chapitre III ( La ghasse au sanglier ), l’abbé Boudet nous le confirme et nous apporte une précision géographique en interprétant le mot Pijole ou Pijoulet situé au Serbaïrou , au sud des roches tremblantes ( page 302 ). Il invente le mot pijoulet en combinant deux mots : jole ( joue ) et poulet ( chick ), deux mots ayant la même prononciation en anglais : tchick.La pijole, lieu-dit de RLC se trouve en aval de la vallée de la valdieu, à l’ouest de l’ermitage.Notons comment l’abbé évoque le peintre juste après :

Nous n’osons pas croire toutefois que les Gaulois aient poussé jusque là leur indifférence pour la santé et la vigueur du corps.

Coment ne pas y voir un « pouss » « sain » ?

Ceci dit et si mes conclusions sont exactes, c’est à cet endroit du livre que l’abbé Boudet devrait nous confirmer que l’on parle bien de Nicolas Poussin et plus particulièrement de sa peinture « les bergers d’Arcadie ».

* Le premier document : Magasin pittoresque – Année 1834

Ce document évoque la chasse au sanglier, car c’est l’objet du sous-chapitre, mais il y est aussi question de tumulus ou tertre : barrow ( saviez-vous que « chiens » se traduit par miners barrows et que barrow pig signifie verrat ? ). J’ai jadis expliqué que Ghasse vennait de ghastful, seule racine anglaise possible signifiant « sépulcral » .

Il faut savoir que le Magasin pittoresque existe depuis 1833 et qu’il est vendu toutes les semaines ( Le magasin pittoresque ). Alors que l’abbé Boudet est très souvent précis quand il nous parle d’un document, ici il ne précise pas que l’article en question concerne la semaine 24 et se trouve à la page 137 ( pdf 193/418 ) ce qui fait que le lecteur doit feuilleter « toute l’année »pour le retrouver. Ainsi sur la première page de la semaine 18 ( en page 137 )  il lira notamment qu’au salon de cette année sera exposé un tableau de Marius Granet dont le sujet est « la mort de Poussin », peinture où l’on voit le tableau des bergers d’Arcadie suspendu au-dessus du lit de mort. Nous devons à Thierry Espalion cette découverte.

Vous conviendrez que cette observation est troublante. Le hasard ferait-il que dans le sous-chapitre où l’abée Boudet pourrait évoquer Poussin se trouve cité un document qui en parle ?

Je connais assez l’abbé pour savoir qu’il le confirmera à sa façon c’est-à-dire en utilisant un mot-relais. Ce mot ne peut être que « pittoresque » et logiquement sa fréquence dans l’ouvrage doit être faible. C’est bien le cas, car il ne se trouve cité qu’une seule autre fois dans l’ouvrage :

LVL Celtique, page 116

Soldats invincibles, ils ne pouvaient supporter le déshonneur d’une défaite ; être vaincus, c’était pour eux avoir à subir, honteusement assis sur un banc de leur demeure, les huées outrageantes de l’ennemi : telle est la signification pittoresque de « vaincu, benzutua » – to bench, asseoir sur un banc, – hut, cabane – hue (hiou), huée –.

Comme vous le remarquez, l’abbé nous parle de s’asseoir sur un banc. Il reprendra d’ailleurs cette traduction avec le mot « vainqueur » à la page suivante. Cette expression m’a interpellée, car elle se trouve aussi dans le sous-chapitre III sous une autre forme :

LVL Celtique, page 303 :

c’est plutôt l’indication exacte de l’usage des nattes et des paillassons pour le repos de la nuit dans les demeures de nos ancêtres, les bancs et les sièges adossés aux murailles servant seulement pour les repas

Serait-ce à nouveau un hasard ? Mais quoi qu’il en soit, pourquoi l’abbé nous parlerait de s’asseoir sur un banc ?

La seule explication possible est que cette expression soit en relation avec la peinture de Marius Granet. En 1937, Emile Rippert écrira un livre sur ce peintre surnommé « le moine », qui fera partie des peintres qualifiés de« Franciscain ». Le titre de l’ouvrage est :

François Marius GRANET, peintre d’Aix et d’Assise ( Livre )

On y apprend que Granet fut parmi les premiers « interprètes d’Assise en Italie ». Alors est-ce encore le hasard que le mot pittoresque nous conduise aux expressions « s’asseoir sur un banc » et « bancs et les sièges » , synonyme d’Assise ?

* Le deuxième document : (1) Dictionnaire de la Fable par Fr. Noël – Paris, 1803.

Ce document confirmera mes hypothèses, car une nouvelle fois ce dernier est en relation avec le tableau des bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin.

LVL Celtique, pages 300 et 301 :

La prédilection des Gaulois pour la chasse au sanglier était connue des anciens Grecs, et, suivant leur habitude de personnifier les qualités de la nation gauloise dans Hercule, ils ont inscrit, parmi les douze travaux de ce héros, son combat contre le sanglier d’Erymante*Ce que rapporte la mythologie grecque au sujet d’Hercule est trop instructif pour n’en pas citer quelques traits. On y peut remarquer la terreur indicible que la nation celtique inspirait à la Grèce. « Eurysthée, roi de Mycènes, jaloux de la réputation d’Hercule, * le persécuta sans relâche, et eut soin de lui donner assez d’occupation hors de ses états pour lui ôter le moyen de troubler son gouvernement. Il exerça son grand courage dans des entreprises également délicates et dangereuses : c’est ce qu’on appelle les travaux d’Hercule. On dit qu’Hercule devint si redoutable à Eurysthée, que, malgré l’empire qu’il avait sur ce héros, il n’osait paraître devant lui, et qu’il avait préparé un tonneau d’airain pour s’y aller cacher en cas de besoin. Il ne faisait point entrer Hercule dans la ville : les monstres qu’il apportait étaient laissés hors des murs, et Eurysthée lui envoyait ses ordres par un héraut. » (1).

Erymanthe, montagne d’Arcadie, était l’asile d’un sanglier dont la fureur remplissait d’effroi la contrée entièreEurysthée demande à Hercule de délivrer le pays de cet hôte redouté. Hercule poursuit le sanglier, le prend vivant, et le charge sur ses épaules pour le porter à Eurysthée. Celui-ci est saisi d’une telle frayeur, qu’il va se cacher sous sa fameuse cuve d’airain.

L’histoire du sanglier d’Erymanthe est la peinture fabuleuse des chasses au sanglier si chères aux Gaulois.

(1) Dictionnaire de la Fable par Fr. Noël – Paris, 1803.

Il n’y a pas de raison que l’abbé change de méthode alors postulons que le mot-relais soit ici fable. Il nous faut aussi prendre en compte le mot dérivé fabuleux qui étymologiquement signifie relatif à la fable.

Il est étonnant que l’abbé n’explique pas le mot Erymanthe quand il le cite pour la première fois dans le texte (*), mais qu’il attende de rappeler l’origine de cet extrait  (1) avant d’expliquer que Erymanthe soit une montagne d’Arcadie. Je me suis donc précipité sur les mots Erymanthe et Arcadie qui se trouvent dans ce dictionnaire. Voici ce qu’on peut y lire :

Erymanthe ,page 393 ( pdf 424/591)

Arcadie ,page 99 ( pdf 130/591 )

L’Arcadie est donc « le pays de toute la Grèce le plus fécond en fables », et l’on comprend alors pourquoi le mot-relais fable fut choisit par l’abbé. Et « c’est dans ce pays que Le Poussin a placé la scène de ce beau paysage où le tombeau d’un berger , avec cette inscription , Et in Arcadia ego… »

Serait un nouvel hasard ?!

Poussons la vérification aux mots-relais fable et fabuleux

LVL Celtique, page 238-239

Du haut de la crête qui porte les roulers, en regardant vers le sud, on voit se dessiner une longue ligne de roches aiguës de toutes forme et de toutes dimensions, bien orientée, d’ailleurs, du levant au couchant, et s’étendant depuis le Col de la Sals jusques et au delà de la Blanque ….

C’est bien là, en effet, un travail de géants, et on n’est guère surpris que les Grecs aient inventé, au sujet de ces énormes pierres, dont ils ignoraient la signification et placées sur le sommet des collines, leur fable des géants aux longs cheveux, au regard farouche, cherchant à escalader le ciel, et entassant Ossa sur Pélion et l’Olympe sur Ossa

LVL Celtique, page 214

Ces chasseurs d’ours étaient-ils le même peuple que les Bébriciens, dont la cité principale aurait été Pyrène ? Cela parait certain, si l’on dégage les traditions historiques de tous les ornements fabuleux qui les rendent méconnaissables.

Suivant la mythologie, les Pyrénées appartenaient au roi Bébrix, quand Hercule, avec ses guerriers, se présenta au pied de ces montagnes.

LVL Celtique, Page 215

Les Celtes et les Ibères, rapporte Diodore de Sicile, après avoir combattu pour la possession du pays, l’habitèrent en commun et s’allièrent par mariages. Les alliances des Celtes avec les Ibères auront ainsi donné lieu à l’histoire fabuleuse d’Hercule et de Pyrène. Le nom de la cité de Pyrène, témoigne de la fusion des deux peuples ; car il renferme le souvenir des efforts tentés par les Celtes pour empêcher les Ibères de brûler leurs morts, – pyre (païre), bûcher funéraire, – to rain (ren), réprimer, – et ce nom, par extension, a désigné plus tard la chaîne entière de montagnes occupée par les chasseurs d’ours.

Les pages 214 et 215 nous montrent que le mot fabuleux est bien en relation avec Hercule et la chasse. Pour l’instant je ne développerais pas mais sachez que pour ma part, Hercule ( ingeniculus ) est le personnage barbu que l’on peut voir sur le tableau de Poussin et que le mot-relais essentiels en relation avec ce personnage mythique est hair (her et les homonymes …).

Je reviens sur le mot fable de la page 239.À nouveau l’abbé précise que pour lui le Serbaïrou s’étend à l’ouest , dans la vallée de la Valdieu avant de nous parler des géants aux longs cheveux qui ne sont autres que les Aloïdes . Voyons ce qu’en dit le dictionnaire des fables :

On comprend alors pourquoi l’abbé en page 301 omet de préciser « et craignant d’être un jour détrôné », et choisisse cette fable des Aloïdes, car sur tout le dictionnaire c’est l’une des rares fois où le mot « joue » [tchick] est cité.

L’abbé ne pouvait pas mieux dire : L’histoire du sanglier d’Erymanthe est la peinture fabuleuse des chasses au sanglier, c’est la peinture des bergers d’Arcadie .L’Arcadie est le pays des fables et c’est donc le mot qui fut choisi comme mot-relais.

* En conclusion

Les références à l’Arcadie dans LVL sont plus nombreuses qu’il n’y parait, il suffit par exemple de s’intéresser au vicomte de Chateaubriand qui fut à l’origine du monument que l’on trouve sur le tombeau de Poussin. Eudore (Les martyrs livre IX ,LVL page 159 ) était arcadien et le romancier suivit un jour l’itinéraire qui le conduisit de l’Arcadie à Jérusalem ( LVL page 62 ).

Ici dans un sous-chapitre de cinq pages, deux documents en relation avec le tableau des bergers d’Arcadie sont proposés sur deux pages qui se suivent et peuvent être logiquement expliqués. Ce cas est statistiquement improbable sauf si l’auteur du livre l’a voulu ainsi.

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